C’est à moi de jouer. J’ai le rôle de batteur cette fois-ci ! Bien, le score est serré mais les encouragements de mes camarades me portent. Allez ! Hop, sur la base centrale, la balle dans une main, l’autre ganté.

Tout le monde à l’air de prendre les choses très sérieusement. Tous se concentrent, les cris et les appels qui fusaient encore il y a un instant se sont évanouis. Seule la rumeur des autres activités sportives vient troubler le silence qui s’est installé sur le terrain.

Je ne m’intéresse pas vraiment au batteur. Je fais même en sorte de ne pas trop le considérer. Au contraire, je tends mon esprit vers la tâche que mon corps doit accomplir, comme je l’ai fait déjà de nombreuses fois en des situations plus périlleuses.

Je repousse mes cheveux blancs qui miroitent au soleil pour dégager la vue à mes yeux gris argentés. Ces derniers fixent le receveur avec intensité. C’est à lui que doit arriver la balle que je tiens. Le reste n’est qu’obstacle que je dois considérer sans m’attarder.

Je suis usé à l’exercice. Je dois épurer la situation de tout ce qui n’est pas nécessaire, la rendre la plus simple possible pour qu’aucun doute ne vienne gâcher mon geste. Je dois oublier les balles précédentes, je dois oublier la sueur qui couvre mon corps et la fatigue d’un match qui dure. Je dois vivre l’instant présent intensément. Pour le reste, je dois faire confiance à mon intuition.

Je ferme les yeux et me concentre pendant quelques secondes, puis…

Je me redresse et me met de profil, je lève mon pied en avant au niveau du genou de l’autre tout en réunissant ma main tenant la balle avec celle tenant la main ganté derrière mon épaule, et tout en faisant cela, je fixe mon objectif du regard sans m’en détourner.

Le geste ne dure que quelques secondes mais c’est ainsi qu’il se décompose rapidement dans mon esprit.

Je laisse tomber ma jambe avant et fait tourner mes hanches dans le même mouvement, j’emporte mon bras dans la chute contrôlée et lance la balle. Celle-ci file dans les mains du receveur sans que le batteur ne parvienne à la toucher.

- Strike 1!

Mon adversaire lâche un juron entre ses dents. Je l’entends mais je l’ignore. S’il est déjà déconcentré, je ne lui laisserais aucune chance.

- Strike 2!

Je l’élimine.

- Strike 3, batsman out!

Bien, tout se passe correctement. Le batteur est éliminé. Je dois poursuivre ainsi sans me déconcentrer.

- Bravo, Shinshiro ! Continue !

- On va gagner, allez !

J’acquiesce imperceptiblement aux encouragements puis je me prépare mentalement aux batteurs suivants, sans trop me projeter, en restant dans l’instant. Ma seule faille, je la connais, c’est le manque de danger.

Je sais que tôt ou tard, je me déconcentrerais. Mais en attendant, je reste et j’élimine les batteurs adverses un à un ! Voilà ce que je dois faire.

Au suivant !